Thème 9 - L’Incarnation

L'Incarnation est la démonstration par excellence de l’Amour de Dieu pour les hommes, la Deuxième Personne de la Très Sainte Trinité – Dieu – assumant la nature humaine dans l’unité de sa personne.

9.

L’Incarnation

  • L'œuvre de l’Incarnation

L’assomption de la nature humaine de la part de la Personne du Verbe est l'œuvre des trois Personnes divines. L’Incarnation de Dieu est l’Incarnation du Fils, non pas celle du Père, ni de l’Esprit Saint. Nonobstant, l’Incarnation fut l'œuvre de toute la Trinité. Pour cela, dans la Sainte Écriture, on attribue cette œuvre parfois à Dieu le Père (He 10, 5 ; Ga 4, 4) aussi bien qu’au Fils (Ph 2, 7) et au Saint Esprit (Lc 1, 35 ; Mt 1, 20). Ainsi est souligné que l'œuvre de l’Incarnation est un seul acte commun aux trois Personnes divines. Saint Augustin expliquait que « le fait que Marie ait conçu et mis au monde est l'œuvre de la Trinité, étant donné que les œuvres de la Trinité sont inséparables »[1]. Il s’agit en effet d’une action divine ad extra, dont les effets sont hors de Dieu, dans les créatures. Ils sont l'œuvre des trois Personnes conjointement, puisqu’il n’y a qu’un seul et unique Être divin et que celui-ci s’identifie à son pouvoir (cf. CEC, 258).

L’Incarnation du Verbe n’affecte pas la liberté divine, car Dieu pouvait décider que le Verbe ne s’incarne pas, ou que ce soit une autre Personne divine qui s’incarne. Pourtant, dire que Dieu est infiniment libre ne signifie pas que ses décisions soient arbitraires ni ne revient à nier que l’amour soit la raison de son agir. C’est pourquoi les théologiens cherchent les raisons de convenance pouvant se deviner derrière les décisions divines, telles qu’elles se manifestent dans l’actuelle économie du salut. Ils ne cherchent qu’à mettre en exergue la merveilleuse sagesse et cohérence de toute œuvre divine, et non pas une éventuelle nécessité en Dieu.

  • La Vierge Marie, Mère de Dieu

La Vierge Marie a été de toute éternité prédestinée à devenir la Mère de Dieu quand le Verbe s’incarnerait : « Dans le Mystère du Christ, Marie est présente dès avant la création du monde comme celle que le Père a choisie comme Mère de son Fils dans l’Incarnation, et avec le Père c’est le Fils qui l’a choisie, la confiant éternellement à l’Esprit de sainteté »[2]. L’élection divine respecte la liberté de Marie, car « le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l'œuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie (LG 56 ; cf. 61) » (CEC, 488).

Pour cela, depuis la plus haute antiquité, les Pères de l’Église ont vu en Marie la nouvelle Ève. « Pour être la Mère du Sauveur, Marie " fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche " (LG 56) » (CEC, 490). L’ange Gabriel, au moment de l’Annonciation, la salue comme « pleine de grâce » (Lc 1, 28). Dès avant l’Incarnation du Verbe, Marie était déjà, par sa réponse aux dons divins, pleine de grâce. La grâce reçue par Marie la rend agréable à Dieu et la prépare à être la Mère virginale du Sauveur. Totalement possédée par la grâce de Dieu, elle peut donner son libre consentement à l’annonce de sa vocation (cf. CEC, 490). « Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant de tout cœur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l'œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) » (CEC, 494).

Les Pères orientaux appellent la Mère de Dieu « la Toute Sainte » et « ils la célèbrent comme " indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie » (CEC, 493).

Marie a été rachetée dès sa conception : « C’est ce que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX : ‘La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel’ (DS 2803) » (CEC, 491). L’Immaculée Conception manifeste l’amour gratuit de Dieu puisqu’il s’agit d’une initiative divine et non pas d’un mérite de Marie, mais du Christ. En effet, « cette " sainteté éclatante absolument unique " dont elle est " enrichie dès le premier instant de sa conception " (LG 56) lui vient tout entière du Christ : elle est " rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils " (LG 53) » (CEC, 492).

La Vierge Marie est Mère de Dieu : « En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair, n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251) » (CEC, 495). Certes, elle n’a pas engendré la divinité mais uniquement le corps humain du Verbe, auquel s’est immédiatement unie son âme rationnelle, créée par Dieu comme toutes les autres, donnant ainsi origine à la nature humaine qui, en ce même instant, fut assumée par le Verbe. Marie est restée toujours vierge. Depuis le début, l’Église confesse dans le Credo et célèbre dans sa liturgie « Marie comme la (…) " toujours vierge " (cf. LG 52) » (CEC, 499 ; v. aussi 496-507). Cette foi de l’Église se reflète dans la très ancienne formulation : Vierge avant, pendant et après l’enfantement. Dès ses débuts, « l’Église a confessé que Jésus a été conçu par la seule puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, affirmant aussi l’aspect corporel de cet événement : Jésus a été conçu " de l’Esprit Saint sans semence virile " (Cc. Latran en 649 : DS 503) » (CEC, 496). Marie est restée vierge aussi dans l’enfantement. « Elle l’a mis au monde sans perdre sa virginité, de même que virginalement elle l’avait conçu (…). Jésus-Christ naquit d’un sein virginal, dans un enfantement admirable »[3]. En effet, « la naissance du Christ " n’a pas diminué, mais consacré l’intégrité virginale " de sa mère (LG 57) » (CEC, 499). Marie reste perpétuellement vierge après l’enfantement. Les Pères de l’Église, dans leurs explications de l’Évangile et leurs réponses aux objections, ont toujours affirmé cette réalité qui manifeste la totale disponibilité de Marie et son don absolu d’elle-même aux desseins salvifiques de Dieu. C’est ainsi que le résumait saint Basile lorsqu’il écrivait que « ceux qui aiment le Christ n’admettent pas d’entendre dire que la Mère de Dieu ait cessé d’être vierge à quelque moment que ce soit »[4].

Marie a été élevée au Ciel. « La Vierge Immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps et elle fut exaltée par le Seigneur comme Reine de l'univers afin de ressembler plus parfaitement à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Ap. 19, 16) et victorieux du péché et de la mort »[5]. L'Assomption de la Sainte Vierge constitue une anticipation de la résurrection des autres chrétiens (cf. CEC, 966). La royauté de Marie se fonde sur sa maternité divine et son association à l'œuvre de la Rédemption[6]. Le 1er novembre 1954, Pie XII institua la fête de Sainte Marie, Reine[7].

Marie est la mère du Rédempteur. C’est pourquoi sa maternité divine comporte aussi sa coopération au salut des hommes. « Marie, fille d’Adam, donnant à la Parole de Dieu son consentement, devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la Rédemption. C’est donc à juste titre que les saints Pères considèrent Marie non pas simplement comme un instrument passif aux mains de Dieu, mais comme apportant au salut des hommes la coopération de sa libre foi et de son obéissance »[8]. Cette coopération se manifeste aussi en sa maternité spirituelle. Marie, nouvelle Ève, est véritablement mère des hommes dans l’ordre de la grâce, coopérant à la naissance à la vie de la grâce et au développement spirituel des fidèles. Marie « apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère. »[9] (cf. CEC, 968). Marie est aussi médiatrice, et sa médiation maternelle, toujours subordonnée à l’unique médiation du Christ, a commencé avec le fiat de l’Annonciation. Elle se perpétue dans le Ciel étant donné que « cette maternité de Marie dans l’économie de la grâce se continue sans interruption jusqu’à la consommation définitive de tous les élus. En effet, après l’Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas : par son intercession multiple, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice »[10] (cf. CEC, 969).

Marie est la figure et le modèle de l’Église : « la Vierge Marie est pour l’Église le modèle de la foi et de la charité. Par là elle est " membre suréminent et absolument unique de l’Église " (LG 53) ; elle constitue même " la réalisation exemplaire " (…) de l’Église (LG 63) » (CEC, 967). Paul VI, le 21 novembre 1964, a solennellement nommé Marie Mère de l’Église afin de souligner de façon explicite la fonction maternelle exercée par la Sainte Vierge sur le peuple chrétien[11].

On comprend, à la vue de ce qui a été dit, que la piété de l’Église envers la Vierge Marie soit un élément intrinsèque au culte chrétien[12]. « Marie est légitimement honorée par l’Église d’un culte spécial. Et de fait, depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de « Mère de Dieu » ; et les fidèles se réfugient sous sa protection, l’implorant dans tous les dangers et leurs besoins ». Surtout depuis le Concile d’Éphèse, le culte du Peuple de Dieu envers Marie a connu un merveilleux accroissement, sous les formes de la vénération et de l’amour, de l’invocation et de l’imitation, réalisant ses propres paroles prophétiques : « Toutes les générations m’appelleront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses » (Lc 1, 48). Ce culte, tel qu’il a toujours existé dans l’Église, présente un caractère absolument unique ; il n’en est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit Saint ; il est éminemment apte à le servir »[13]. Le culte de la Sainte Vierge « trouve son expression dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu (cf. SC 103) et dans la prière mariale, tel le Saint Rosaire » (CEC, 971).

  • Figures et prophéties de l’Incarnation

Nous avons vu, dans le thème précédent, que Dieu, après le péché de nos premiers parents Adam et Ève, n’a pas abandonné l’homme mais lui a promis un Sauveur (cf. Gn 3, 15 ; CEC, 410).

Après le péché originel et la promesse du Rédempteur, Dieu lui-même reprend l’initiative, établissant une Alliance avec les hommes : avec Noé après le déluge (cf. Gn 9-10) puis surtout avec Abraham (cf. Gn 15-17) à qui il promet une nombreuse descendance, faisant de celle-ci un grand peuple et lui donnant une nouvelle terre ; en cette descendance seraient bénies toutes les nations. L’Alliance est ensuite renouvelée avec Isaac (cf. Gn 26, 2-5) et Jacob (cf. Gn 28, 12- 15 ; 35, 9-12). Dans l’Ancien Testament, l’Alliance atteint son expression la plus complète avec Moïse (cf. Ex 6, 2-8 ; Ex 19-34).

Un moment important dans l’histoire des relations entre Dieu et Israël est la prophétie de Nathan (cf. 2 S 7, 7-15), qui annonce que le Messie sera de la descendance de David et qu’il règnera sur tous les peuples, et pas seulement sur Israël. Du Messie, d’autres textes prophétiques diront que sa naissance aura lieu à Bethléem (cf. Mi 5, 1), qu’il appartiendra à la famille de David (cf. Is 11, 1; Jr 23, 5); qu’on lui donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire Dieu-avec-nous (cf. Is 7, 14); qu’on l’appellera « Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la- Paix » (Is 9, 5), etc. Outre ces textes décrivant le Messie comme roi et descendant de David, d’autres relatent également de manière prophétique la mission rédemptrice du Messie, l’appelant Serviteur de Yahvé, homme de douleurs, qui assumera en son corps la réconciliation et la paix (cf. Eph 2, 14-18; Is 42, 1-7; 49, 1-9;50, 4-9; 52, 13; 53, 12). Dans ce contexte, le texte de Dn 7, 13-14 prend une singulière importance : le Fils de l’homme, par l’humilité et l’abaissement, dépasse mystérieusement la condition humaine et restaure le règne messianique dans sa phase définitive (cf. CEC, 440).

Les principales figures du Rédempteur dans l’Ancien Testament sont Abel le juste, le grand prêtre Melchisédech, Abraham sacrifiant son fils Isaac, Joseph vendu par ses frères, l’agneau pascal, le serpent de bronze érigé par Moïse dans le désert, et le prophète Jonas.

  • Les noms du Christ

Nombreux sont les noms et les titres attribués au Christ par les théologiens et les auteurs spirituels tout au long des siècles. Certains sont tirés de l’Ancien Testament, d’autres du Nouveau. Quelques-uns sont utilisés ou acceptés par Jésus lui-même, d’autres lui ont été appliqués par l’Église au cours des siècles. Voyons maintenant les plus importants et usuels.

Jésus (cf. CEC, 430-435), qui en hébreu signifie « Dieu sauve » : « Lors de l’Annonciation, l’ange Gabriel lui donne comme nom propre le nom de Jésus qui exprime à la fois son identité et sa mission » (CEC, 430), c’est-à-dire qu’il est le Fils de Dieu fait homme pour « sauver son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21). « Le nom de Jésus signifie que le nom même de Dieu est présent en la personne de son Fils (cf. Ac 5, 41 ; 3 Jn 7) fait homme pour la rédemption universelle et définitive des péchés. Il est le nom divin qui seul apporte le salut (cf. Jn 3, 5 ; Ac 2, 21) et il peut désormais être invoqué de tous car il s’est uni à tous les hommes par l’Incarnation » (CEC, 432). « Le nom de Jésus est au cœur de la prière chrétienne » (CEC, 435).

« Christ (cf CEC 436) vient de la traduction grecque du terme hébreu " Messie " qui veut dire " oint ". Il ne devient le nom propre de Jésus que parce que celui-ci accomplit parfaitement la mission divine qu’il signifie. En effet en Israël étaient oints au nom de Dieu ceux qui lui étaient consacrés pour une mission venant de lui. C’était le cas des rois (cf. 1 S 9, 16 ; 10, 1 ; 16, 1. 12-13 ; 1 R 1, 39), des prêtres (cf. Ex 29, 7 ; Lv 8, 12) et, en de rares cas, des prophètes (cf. 1 R 19, 16). Ce devait être par excellence le cas du Messie que Dieu enverrait pour instaurer définitivement son Royaume (cf. Ps 2, 2 ; Ac 4, 26-27). Le Messie devait être oint par l’Esprit du Seigneur (cf. Is 11, 2) à la fois comme roi et prêtre (cf. Za 4, 14 ; 6, 13) mais aussi comme prophète (cf. Is 61, 1 ; Lc 4, 16-21). Jésus a accompli l’espérance messianique d’Israël dans sa triple fonction de prêtre, de prophète et de roi.

(CEC 439) Jésus a accepté le titre de Messie auquel il avait droit (cf. Jn 4, 25-26 ; 11, 27), mais non sans réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses contemporains selon une conception trop humaine (cf. Mt 22, 41-46), essentiellement politique (cf. Jn 6, 15 ; Lc 24, 21).

Jésus-Christ est le Fils Unique de Dieu (cf. CEC, 441-445). La filiation de Jésus par rapport au Père n’est pas une filiation adoptive, comme la nôtre, mais la filiation divine naturelle, c’est-à-dire « la relation unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père : Il est le Fils unique du Père (cf. Jn 1, 14. 18 ; 3, 16. 18) et Dieu lui-même (cf. Jn 1, 1). Croire que Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien (cf. Ac 8, 37 ; 1 Jn 2, 23) » (CEC, 454). « Les Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36) » (CEC, 444).

Seigneur (cf. CEC, 446-451) : « Dans la traduction grecque des livres de l’Ancien Testament, le nom ineffable sous lequel Dieu s’est révélé à Moïse (cf. Ex 3, 14), YHWH, est rendu par Kyrios (" Seigneur "). Seigneur devient dès lors le nom le plus habituel pour désigner la divinité même du Dieu d’Israël. C’est dans ce sens fort que le Nouveau Testament utilise le titre de " Seigneur " à la fois pour le Père, mais aussi, et c’est là la nouveauté, pour Jésus reconnu ainsi comme Dieu lui-même (cf. 1 Co 2, 8) » (CEC, 446). « En attribuant à Jésus le titre divin de Seigneur, les premières confessions de foi de l’Église affirment, dès l’origine (cf. Ac 2, 34-36), que le pouvoir, l’honneur et la gloire dus à Dieu le Père conviennent aussi à Jésus (cf. Rm 9, 5 ; Tt 2, 13 ; Ap 5, 13) parce qu’il est de " condition divine " (Ph 2, 6) et que le Père a manifesté cette souveraineté de Jésus en le ressuscitant des morts et en l’exaltant dans sa gloire (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2, 11) » (CEC, 449). La prière chrétienne, liturgique ou personnelle, est marquée par le titre « Seigneur » (cf. CEC, 451).

5.Le Christ est l’unique Médiateur parfait entre Dieu et les hommes. Il est Maître, Prêtre et Roi.

« Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, dans l’unité de sa Personne divine ; pour cette raison il est l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes » (CEC, 480). L’expression la plus profonde du Nouveau Testament sur la médiation du Christ se trouve dans la première lettre à Timothée : « Il n'y a qu'un seul Dieu, il n'y a qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous » (1 Tm 2, 5-6). Y sont présentées la personne du Médiateur et son action de médiation. Et dans la lettre aux Hébreux, on présente le Christ comme le médiateur d’une Alliance nouvelle (cf. He 8, 6 ; 9, 15 ; 12, 24). Jésus-Christ est médiateur parce qu’il est Dieu parfait et homme parfait. Il est médiateur en et par son humanité. Ces textes du Nouveau Testament présentent le Christ en tant que prophète et révélateur, en tant que Grand-prêtre et Seigneur de toute la création. Il ne s’agit pas de trois mystères distincts, mais de trois aspects différents de la fonction salvatrice de l’unique médiateur.

Le Christ est le prophète annoncé dans le Deutéronome (18, 18). Les gens tenaient Jésus pour un prophète (cf. Mt 16, 14 ; Mc 6, 14-16 ; Lc 24, 19). Le début même de la lettre aux Hébreux est paradigmatique à cet effet. Mais le Christ est plus qu’un prophète : il est le Maître, c’est-à-dire celui qui enseigne par sa propre autorité, avec une autorité inconnue jusqu’alors qui surprend ceux qui l’écoutent. Le caractère suprême des enseignements de Jésus se fonde sur le fait qu’il est Dieu et homme. Jésus ne fait pas qu’enseigner la vérité, il est la Vérité rendue visible dans la chair. Le Christ, Verbe éternel du Père, « est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui Il dit tout, et il n’y aura pas d’autre parole que celle-là » (CEC, 65). L’enseignement du Christ est définitif, également dans le sens qu’avec lui la Révélation de Dieu aux hommes dans l’histoire est arrivée à son terme. Le Christ est prêtre. La médiation de Jésus-Christ est une médiation sacerdotale. Dans la lettre aux Hébreux, dont le thème central est le sacerdoce du Christ, Jésus est présenté comme le Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance, « unique " Grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédech " (He 5, 10 ; 6, 20), " saint, innocent, immaculé " (He 7, 26), qui, "par une oblation unique a rendu parfaits pour toujours ceux qu’Il sanctifie " (He 10, 14), c’est-à-dire par l’unique sacrifice de sa Croix » (CEC, 1544). De même que le sacrifice du Christ – sa mort sur la Croix – est unique de par l’unité du prêtre et de la victime, d’infinie valeur, de même son sacerdoce est unique. Il est l’unique victime et l’unique prêtre. Les sacrifices de l’Ancien Testament préfiguraient celui du Christ, recevant leur valeur précisément de cela. Le sacerdoce ministériel et celui des fidèles sont une participation au sacerdoce éternel du Christ. Ils ne s’y ajoutent pas ni ne lui succèdent (cf. CEC, 1544-1547).

Le Christ est Roi. Il l’est non seulement en tant que Dieu mais aussi en tant qu’homme. La souveraineté du Christ est un aspect fondamental de sa médiation salvatrice. Le Christ sauve parce qu’il en a le pouvoir effectif. La foi de l’Église affirme la royauté du Christ et professe dans le Credo que « son règne n’aura pas de fin », répétant ainsi les paroles de l’ange Gabriel à Marie (cf. Lc 1, 32-33). La dignité royale du Christ avait déjà été annoncée dans l’Ancien Testament (cf. Ps 2, 6 ; Is 7, 6; 11, 1-9; Dn 7, 14). Le Christ n’a pourtant pas beaucoup parlé de sa royauté, étant donné que parmi les juifs de son temps une conception matérielle et terrestre du règne messianique était très répandue. Mais il la reconnut en un moment particulièrement solennel, en réponse à l’interrogatoire de Pilate (cf. Jn 18, 33- 37). La royauté du Christ n’est pas métaphorique. Elle est réelle et elle comporte le pouvoir de légiférer et de juger. C’est une réalité qui se fonde sur le fait qu’il est le Verbe incarné et notre Rédempteur[14]. Son règne est spirituel et éternel. C’est un règne de sainteté et de justice, d’amour, de vérité et de paix[15]. Le Christ exerce sa royauté en attirant à Lui tous les hommes par sa mort et sa résurrection (cf. Jn 12, 32). « Le Christ, Roi et Seigneur de l’univers, s’est fait le serviteur de tous, n’étant " pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28) » (CEC, 786). « Le Peuple de Dieu tout entier participe à ces trois fonctions du Christ et il porte les responsabilités de mission et de service qui en découlent » (CEC, 783).

  • Toute la vie du Christ est rédemptrice

En ce qui concerne la vie du Christ, le Symbole de la foi ne parle « que des mystères de l’Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ » (CEC, 512).

Toute la vie du Christ est rédemptrice, et chacun de ses actes humains possède une charge transcendante de salut. Même par les actes les plus simples et apparemment les moins importants, Jésus exerce efficacement sa médiation entre Dieu et les hommes, car ce sont toujours des actes du Verbe incarné. Saint Josémaria a compris cela avec une profondeur particulière, enseignant à tous à faire des chemins de la terre des chemins divins de sanctification : « La plénitude des temps arrive et, pour remplir cette mission (…) c'est un Enfant qui naît à Bethléem. Il est le Rédempteur du monde; mais, avant même de parler, Il montre son amour par des actes. Il n'apporte aucune formule magique parce qu'Il sait que le salut qu'Il offre doit passer par le cœur de l'homme. Ses premières actions sont des sourires, des pleurs d'enfant, le sommeil sans défense d'un Dieu incarné: et ceci pour nous inspirer de l'amour, pour que nous sachions L'accueillir dans nos bras »[16].

Les années de la vie cachée du Christ ne sont pas une simple préparation pour son ministère public, mais d’authentiques actes rédempteurs, orientés vers la consommation du Mystère Pascal. Théologiquement, il est grandement pertinent de considérer que Jésus, durant la majeure partie de sa vie, partagea le sort de l’immense majorité des hommes : la vie quotidienne de famille et de travail. Nazareth est ainsi une leçon de vie familiale, une leçon de travail[17]. Le Christ réalise aussi notre rédemption durant les nombreuses années de travail de sa vie cachée, donnant ainsi, dans l'histoire du salut, tout son sens divin au travail quotidien du chrétien et de millions d’hommes de bonne volonté : « En grandissant et en vivant comme l'un d'entre nous, Jésus nous révèle que l'existence humaine, nos occupations courantes et ordinaires, ont un sens divin »[18].

José Antonio Riestra

Bibliographie de base

Catéchisme de l’Église catholique, (CEC) 484-570, 720-726, 963-975.

Benoît XVI-Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, Flammarion, 2007, introduction et chap. 10.

Lumen Gentium (LG)


[1] Saint Augustin, De Trinitate, 2, 5, 9; cf. Concile du Latran IV: DS 801

[2] Jean Paul II, enc. Redemptoris Mater, 25-III-1987, 8; cf. Pie IX, bulle Ineffabilis Deus; Pie XII, bulle Munificentissimus Deus, AAS 42(1950)9768; Paul VI, exh. ap. Marialis cultus, 25; CIC, 488

[3] Saint Léon le Grand, ep. Lectis dilectionis tuae, DS 291-294

[4] Saint Basile, In Christi generationem, 5

[5] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen Gentium, 59; cf. la proclamation du dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie par le pape Pie XII en 1950 : DS 3903

[6] Cf. Pie XII, enc. Ad coeli reginam, 11-10-1954 : AAS 46(1954)625-640

[7] Cf. AAS 46(1954)662-666

[8] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen Gentium, 56

[9] Ibidem, 61

[10] Ibidem, 62

[11] Cf. AAS 56(1964)1015-1016

[12] Cf. Paul VI, exh. Marialis cultus, 56

[13] Concile Vatican II, const. dogm. Lumen Gentium, 66

[14] Cf. Pie XI, enc. Quas primas, 11-11-1925, AS 17(195)599

[15] Cf. Missel Romain, Préface de la messe du Christ, Roi de l’Univers

[16] Saint Josémaria Escriva, Quand le Christ passe, 36

[17] Cf. Paul VI, allocution à Nazareth, 5 janvier 1964 : Insegnamenti di Paolo VI, 2(1964)25

[18] Saint Josémaria Escriva, Quand le Christ passe, 14