Les arbres de la Bible

Premier article d'une série originale : "Les arbres de la Bible". Leur évocation est riche de signification sur le sens de la vie, la communication entre Dieu et l'homme, la conversion et la croissance, etc...

Dieu est l’auteur principal de la Bible. À de nombreuses reprises, celle-ci mentionne les arbres, la forêt, les champs, le bois, les fruits… Ce n’est pas anodin. N’est-ce pas une façon délicate de souligner que la proximité bienveillante de notre Créateur nous rejoint dans le cadre naturel qui façonne nos existences ?

Chaque arbre biblique a une histoire à raconter. Il ne s’agit pas de faire halte sous chacun d’eux, mais de découvrir la symbolique propre aux plus significatifs d’entre eux. Et, dans le premier commentaire de cette série, de nous interroger sur le sens de leur évocation avec tant de précision.

Pénétrons donc sous le couvert de la végétation biblique. Que découvrons-nous ?

1. Ce n’est pas la selve mais un verger providentiel : Dieu dit : «Que la terre donne de la verdure, de l'herbe porteuse de semence, des arbres fruitiers qui portent sur la terre du fruit selon leurs espèces et qui ont en eux leur semence ! Il en fut ainsi (…) Dieu vit que cela était bon. Et, plus loin, Il déclare à nos premiers parents : Je vous donne toute herbe porteuse de semence sur toute la terre, et tout arbre fruitier porteur de semence ; ce sera votre nourriture[1]. Ainsi, dès la première page de la Bible les arbres apparaissent comme dédiés à la vie :

- ils composent un espace de vie : ils font partie de notre environnement de tous les jours, ils ont l'incroyable capacité, par les échanges gazeux alliés aux actions du soleil, dans un phénomène appelé photosynthèse, de transformer le gaz carbonique en cet oxygène si précieux pour tous les êtres vivants de notre planète.

- témoins continuels de la présence d’en Haut, ils symbolisent l’actualité du Salut : Heureux l'homme qui ne suit pas les projets des méchants, qui ne s'arrête pas sur le chemin des pécheurs, et qui ne s'assied pas parmi les insolents, mais qui trouve son plaisir dans la loi du Seigneur, et qui redit sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d'un ruisseau, il donne son fruit en son temps, et son feuillage ne se flétrit pas [2]. Ne dit-on pas que les arbres constituent, par leurs racines et leurs frondaisons, un maillon entre la terre et le ciel ? L’histoire de Jonas est expressive à ce sujet : à Ninive, le ricin le protège opportunément des ardeurs du soleil. Mais comme il n'a pas la paix en lui-même et ne peut accepter la résipiscence de ses ennemis, l'arbre providentiel se dessèche et le laisse, accablé, à son égoïsme[3].

Cette symbolique de vie liée à l'arbre, met en regard l'arbre de vie au milieu du jardin d'Éden [4] et les arbres de Vie, dans la Jérusalem messianique,dont les feuilles peuvent guérir les païens[5], au travers des arbres d’Ézéchiel porteurs de l’espérance finale : Près du torrent, sur chacune de ses rives, croîtront toutes sortes d'arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira pas, leur fruit ne s'épuisera pas ; ils donneront des primeurs tous les mois, parce que ses eaux sortiront du sanctuaire. Leur fruit servira de nourriture et leur feuillage de remède.[6].

2. ils offrent un cadre porteur à la communication entre Dieu et les hommes, matérialisent un espace de rencontre, procurent une ombre propice à la discussion…

- dès les premières pages de la Genèse, nous voyons Dieu chercher Adam et Ève, honteux de leur faute, cachés sous le couvert des arbres du Jardin [7]. Puis il se révèle à Moïse dans l’épisode du Buisson ardent qui délimite une terre sainte où il lui demande de se déchausser[8]. Les branches basses d’un sycomore permettent à Zachée d’y grimper pour voir passer Jésus qui, levant les yeux, engage avec lui la conversation[9]. Le figuier sous lequel le Sauveur voit Nathanaël est à l’origine de sa vocation. Et comment ne pas penser aussi aux rameaux que la foule en liesse agite au passage du Christ lors de son entrée triomphale à Jérusalem, et dont elle jonche son chemin [10] ?

- ils sont témoins de la magnanimité de Dieu qui cherche le cœur de l’homme pour lui accorder sa grâce : les chênes de Mambré, comme un écrin naturel, gardent mémoire de la visite précieuse des envoyés du ciel, et de la générosité d’Abraham dans l’accueil qu’il leur réserva [11]. En revanche, les oliviers de Gethsémani furent les spectateurs silencieux de la Passion de Jésus et de l’ingratitude humaine.

oliviers


3. En maints passages de l’Ancien Testament, l’arbre figure un renouveau possible :

- pour mettre un terme à la révolte des fils de Coré, Yahvé demanda à Moïse que chacune des douze familles patriarcales dépose un rameau – une souche ‒ dans la Tente du Témoignage. C’est celui d’Aaron, pour la maison de Lévi, qui bourgeonna : des fleurs s’étaient épanouies, des amandes avaient mûri[12]. Ainsi étaient manifestés le choix de Dieu et l’aptitude d’Aaron pour gouverner Israël avec Moïse.

- dans les épreuves que traverse le Peuple élu, en raison de sa dureté de cœur, le prophète Isaïe stimule son espérance en une renaissance à venir : comme le térébinthe et le chêne conservent leur souche quand ils sont abattus, sa souche donnera une descendance sainte; et un peu plus loin, il ajoute : un rameau sortira de la souche de Jessé,un surgeon poussera de ses racines[13].

Or, « ce que l'Ancien Testament a promis, le Nouveau Testament l'a fait voir ; ce que celui-là annonçait de façon cachée, celui-ci le proclame ouvertement comme présent » [14] : il met en évidence, comme source de salut pour le genre humain, le bois de la Croix auquel le Fils de Dieu a attaché ses membres et dont il demeure inséparable, « pour que la vie surgisse à nouveau d’un arbre qui donnait la mort et que l’ennemi victorieux par le bois, fût lui-même vaincu sur le bois, par le Christ, Notre-Seigneur » [15]. La liturgie chante cet «arbre illustre entre tous : nulle forêt n’en produit de semblable par le feuillage, les fleurs et les fruits»[16].

Le chrétien est appelé à produire des fruits de vie en Jésus-Christ. Seule, son identification au Christ en croix est signe de l’authenticité de son existence, et gage de sa fécondité : Tout arbre qui ne produit pas de beau fruit est coupé et jeté au feu. C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : «Seigneur ! Seigneur !» qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux[17].

« La Croix est dressée, le monde est sauvé » ! Tel est, en résumé, le message de l’Évangile. Car elle nous éduque à la vraie vie : elle nous invite à la cohérence avec ce que nous professons, nous apprend à épouser la logique du Bel Amour et à faire équipe avec le Sauveur pour sauver le monde avec lui. Alors, comme Pierre repenti qui reçoit la houlette de l’Église, nous lui disons :

Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime [18]!

Bertand Cauvin, expert forestier

Abbé Patrick Pégourier


[1] Gn 1,11-13.29 et 1, 29.

[2] Ps 1,1-3.

[3] Cf. Jon 4.

[4] Gn 2, 9.

[5] Ap 22, 2.

[6] Ez 47,12.

[7] Cf. 3, 8.

[8] Ex 3, 2-6.

[9] Cf. Lc 19, 4-5.

[10] Cf. Mt 21, 8.

[11] Cf. Gn 18, 1-8.

[12] Nb 16, 23.

[13] Is 6, 13 b et 11, 1.

[14] Saint Grégoire le grand, Homiliae in Ezechielem, I, VI, 15 : PL, 76, 836 B.

[15] Préface de la fête de la Croix glorieuse.

[16] Hymne Ô Croix.

[17] Mt 7, 19-21.

[18] Jn 21, 17.