L'autorité dans une culture du dialogue

Au Centre de Rencontres de Dongelberg (Brabant wallon), une centaine de personnes ont participé ce dimanche 6 avril à un colloque portant sur le concept d’autorité dans une culture du dialogue, au travers des expériences de l’Etat, de l’Eglise, et de l’éducation familiale et scolaire.

Jean de Codt, magistrat, a disserté sur « l’autorité et le pouvoir dans l’Etat ». Après une introduction sur le concept d’Etat, sa nécessité et ses caractéristiques, l’orateur a identifié deux dangers dans l’exercice du pouvoir étatique : l’abus de puissance et le manque d’intervention. Ces deux périls reflètent la difficulté de concilier la nature libre de l’homme avec son caractère social, conciliation qui doit se réaliser par un véritable dialogue.

 L’article 33 de la Constitution belge précise que « tous les pouvoirs émanent de la nation », également celui de rendre la justice, confié à l’institution judiciaire. En revanche, dans la réponse de Jésus à son juge Pilate, ce premier lui rétorque « tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en haut. » 

A la fin de l’Ancien Régime, où le roi incarnait le pouvoir « venu d’en haut », une nouvelle légitimation de l’autorité s’est avérée nécessaire. La pratique du suffrage universel, de même que la séparation des pouvoirs, doivent permettre de réaliser cet habile compromis qui tend à éviter l’anarchie tout en échappant à la tyrannie.

La loi est, par excellence, un acte qui fait autorité. Or cette est tombée de son piédestal. Une réalité qui traduisait une certaine sagesse immuable est devenue changeante, éphémère. Les lois sont écrites dans la hâte, reflètent les luttes de pouvoir, portent les cicatrices des compromis, se voient détachées du réel au profit d’idéologies. Par rapport à le question du bien et du mal, cette loi se trouve en retrait. Le constat selon lequel l’interdit n’est plus respecté conduit à la nécessité d’expliquer davantage la règle, à travers le dialogue. A noter que ce dialogue entre l’Etat et le particulier ne se fait pas d’égal à égal, sans quoi le pouvoir étatique ne serait tout simplement plus un pouvoir.

 

Alphonse Borras, vicaire général du diocèse de Liège et professeur à l’UCL, s’est interrogé sur le cadre du « dialogue entre l’Eglise et le monde ». Comment s’articule, dans l’Eglise, la dimension d’autorité avec celle du dialogue ? Qu’est-ce qui fait autorité dans l’Eglise ? L’Eglise est-elle une communauté ordinaire ?

Pour tenter de répondre à ces questions, l’orateur a explicité de nombreux concepts théologiques et ecclésiologiques : le Verbe, Ecclesia ex trinitate, l’Eglise en tant que convocatio Dei, l’Ecriture, la Tradition, le sens des fidèles, le Magistère, les trois fonctions du Christ (sanctification, enseignement et gouvernement), la catholicité et l’inculturation de la foi.

Dieu, par son Incarnation, entre dans un dialogue tout particulier avec l’humanité. De manière intrinsèque, le dialogue fait partie de la foi chrétienne. Pour reprendre les termes de Paul VI, « L’Eglise se fait conversation ». D’où provient, d’où naît la foi sinon d’une écoute ? Et l’écoute d’une parole qui, pour venir de Dieu, fait pleinement autorité et dont l’Eglise est la dépositaire.

Bien entendu, la crise moderne de l’autorité n’épargne pas l’Eglise qui est à la fois présente dans ce monde, dans ce temps, tout en étant tendue vers l’avènement définitif du Royaume de Dieu. Dans notre « société d’individus », chacun est tenté de se bricoler une religion, une expérience religieuse qui passe par une triple validation (individuelle, affinitaire et institutionnelle). Selon la sensibilité moderne, il est désormais demandé à l’autorité magistérielle de se justifier. C’est dans le dialogue que l’Eglise pourra faire autorité dans le monde.

 

L’après-midi a été consacrée à une table ronde animée par trois intervenants actifs dans le domaine de l’éducation. Pour Xavier Müller, philosophe et professeur dans le secondaire, la crise de l’autorité à l’école n’est pas neuve (Platon l’évoquait déjà). Ce qui est neuf, en revanche, c’est que l’école en tant que telle est en crise, subissant une triple contestation sociologique, pédagogique et philosophique. Tels sont les fruits amers de cette crise : multiplication des inégalités sociales que l’on prétendait combattre ; la politique ne se met plus au service de l’école, c’est l’inverse qui se produit ; l’école n’a plus de vérité à transmettre, elle n’a donc plus besoin de maîtres qui détiennent une autorité.

Madame Geertrui Segers, directrice d’école, a comparé l’école actuelle à celle d’il y a trente ans pour y déceler les évolutions au plan du respect de l’autorité. Pour ne citer que deux exemples : tandis que la sieste en maternelle était obligatoire, elle est devenue optative, en fonction du désir de chaque enfant ; lorsque le directeur entrait en classe, les élèves se levaient ; aujourd’hui ils en profitent pour chuchoter avec leur voisin. Si l’autorité allait de soi, elle requiert actuellement d’être expliquée. C’est une belle occasion pour faire réfléchir les élèves sur le pourquoi et le comment des choses. 

Pierre van de Putte, président de l’Institut de la Famille (IDF), a rappelé que les parents s’exonèrent trop facilement de leur devoir d’éduquer au motif qu’ils ne seraient pas suffisamment à la hauteur. Or l’exercice de l’autorité parentale permet aux enfants de mûrir. Si dans un premier temps, les enfants ne demandent pas le pourquoi, ils sont davantage demandeurs d’explications par la suite, pour finalement devenir autonomes (intégration personnelle d’un code de valeurs et de conduite). A l’intérieur de la famille où il se sent et se sait aimé, l’enfant doit tenir compte des autres en bénéficiant des remarques de ses parents, sachant qu’il a le droit à l’erreur.