Au début de l'année de la foi

Redécouvrir la beauté de la Révélation et nous laisser transformer par la force de la foi-une foi vivante qui amène à changer le monde et à le conduire à ce Dieu qui est ici, avec nous, présent, vivant -(1),

Un temps de grâce

En diverses occasions Benoît XVI a indiqué que l’Année de la Foi répond à une nécessité : « Alors que dans le passé il était possible de reconnaître un tissu culturel unitaire, largement admis dans son renvoi aux contenus de la foi et aux valeurs inspirées par elle, aujourd’hui il ne semble plus en être ainsi dans de grands secteurs de la société, en raison d’une profonde crise de la foi qui a touché de nombreuses personnes. » [2]

Sans doute certains considèrent-ils le christianisme comme une doctrine dont certains éléments sont acceptables— la fraternité, le souci des pauvres —, tout en la trouvant démodée pour la sensibilité de l’homme moderne. Cependant, dans une large mesure, cette attitude est due au fait qu’ils n’ont pas eu l’occasion de fréquenter des personnes incarnant vraiment cette foi chrétienne à laquelle ils affirment adhérer. Il est facile de constater que de nombreux hommes, y compris parmi les plus sceptiques à l’égard de christianisme, cherchent sincèrement une réponse à la question du sens de la vie. Cette inquiétude finit parfois par se concrétiser en une religiosité plus ou moins sur mesure ; d’autres fois, nous voyons que, désorientées, ces personnes renoncent à trouver une réponse.

C’est pourquoi ce genre de situations, bien loin de nous décourager, doit nous pousser à montrer l’Évangile, la Bonne Nouvelle, dans son intégrité. Le christianisme est la Parole de Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. Non seulement il fait ressortir les interrogations présentes dans son cœur, mais il lui offre une vérité qui dépasse ses attentes les plus profondes [3]. La foi signifie alors « accueillir dans notre vie ce message qui transforme, elle signifie accueillir la révélation de Dieu, qui nous fait connaître qui Il est, comment il agit, quels sont ses projets pour nous » [4]. Nous découvrons ainsi la vérité sur nous-mêmes et nous avons accès à une vie pleine et heureuse, dans laquelle nous expérimentons la grandeur de notre dignité d’enfants de Dieu. Car la foi catholique ne consiste pas à accepter un certain nombre de dogmes et à participer à certaines actions liturgiques. Elle est un chemin de vie. Lorsque nous en faisons l’expérience, elle nous comble sans cesse davantage.

Transmettre la foi

Certes, nous ne pouvons pas acquérir la foi avec nos seules forces humaines. Elle suppose une action de Dieu qui « dans son amour, crée en nous — à travers l’œuvre de l’Esprit Saint — les conditions adéquates afin que nous puissions reconnaître sa Parole » [5]. Or, cette reconnaissance de la Parole divine n’est possible que si elle est préalablement connue : Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment entendre sans quelqu’un qui proclame ? [6] Comme le pape l’enseigne, « aujourd’hui aussi, nous avons besoin que le Credo soit mieux connu, compris et prié. En particulier, il est important que le Credo soit, pour ainsi dire, « reconnu ». En effet, connaître pourrait être une opération uniquement intellectuelle, tandis que « reconnaître » veut signifier la nécessité de découvrir le lien profond entre les vérités que nous professons dans le Credo et notre existence quotidienne, afin que ces vérités soient véritablement et concrètement — comme elles l’ont toujours été — une lumière pour les pas de notre vie, une eau qui irrigue les passages arides de notre chemin, une vie qui vainc certains déserts de la vie contemporaine » [7].

Ces mois sont une invitation à réaliser dans notre vie cette redécouverte du Credo, capable d’éclairer chacun des aspects de notre existence. Pendant la fête des Tentes le Seigneur a annoncé que des fleuves d’eau vive couleront de tous ceux qui croient en lui. Et l’évangéliste de gloser : Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié [8]. En tant que baptisés, nous avons tous reçu dans notre cœur cette source intarissable d’eau vive ; des fleuves qui étanchent notre soif et qui peuvent aussi apaiser celle de tous ceux qui s’approchent de nous.

L’Année de la Foi constitue donc un stimulant pour l’évangélisation. Dieu compte sur chacun de nous pour que ceux qui nous entourent connaissent la foi dans son intégrité et découvrent la force d’une vie qui se laisse guider par la lumière du message chrétien. Ces mois nous fournissent ainsi l’occasion d’une conversion personnelle et d’un nouveau départ dans l’apostolat, l’occasion aussi d’affronter l’avenir plus unis au Christ, en nous laissant guider en tout par sa volonté. C’est ce que les premiers chrétiens ont fait. Avec naturel, sans étalage criard, rien qu’avec la cohérence entre leur foi et leurs œuvres, ils ont changé le monde païen [9]. Foi, vertu dont nous avons tant besoin, nous, les chrétiens, et plus précisément en cette année de la Foi […] ; car, sans la foi, se perd le fondement même de la sanctification de la vie ordinaire [10]

Approfondir les contenus de la foi

Si nous aspirons à connaître et aimer Dieu, si nous désirons que les autres le connaissent et l’aiment, alors il est indispensable que la doctrine catholique informe toujours plus profondément notre intelligence et notre volonté [11]. Nous sommes les premiers à devoir ouvrir notre cœur à l’action de la grâce, en nous efforçant de reconnaître, comme le pape nous le demande, les vérités de notre foi et leur lien profond avec la vie quotidienne. Nous ne manquons pas d’outils pour mener à bien cette entreprise. Benoît XVI en a indiqué tout spécialement deux : les enseignements du Concile Vatican II qualifiés de « boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence » [12]— et le Catéchisme de l’Église Catholique.

À l’heure d’étudier ou d’expliquer la richesse de la doctrine catholique, il serait illogique de se passer de ces grands trésors qui la présentent de façon systématique et organisée. Si nous voulons être d’authentiques témoins de la foi, nous devons la connaître et l’incarner dans son intégrité. Sinon, compte tenu du contexte actuel, il serait facile de tomber dans « un certain syncrétisme et relativisme religieux, sans clarté sur les vérités à croire et sans la particularité salvifique du christianisme » [13]. Il est significatif que le pape consacre les audiences de mercredi aux principes de base de notre foi, en montrant qu’il s’agit de vérités dont nous devons vivre ; lire le texte de ces allocutions sera, sans doute, un moyen concret pour laisser ces vérités de notre foi imprégner notre âme jusqu’à ce qu’elles transforment toute notre vie [14], en plus de nous fournir l’occasion et le sujet d’un entretien avec nos amis.

Grandir en vie de foi

La condition première et indispensable pour récolter des fruits apostoliques est, j’insiste, de cultiver la vie de foi, qui se traduit par le recours aux moyens surnaturels [15]. Ne nous leurrons pas… — Dieu n’est pas une ombre, un être lointain, qui nous crée puis nous abandonne ; ce n’est pas un maître qui s’en va et ne revient plus. Bien que nous ne le percevions pas avec nos sens, son existence est beaucoup plus vraie que celle de toutes les réalités que nous touchons et voyons. Dieu est ici, avec nous, présent, vivant : Il nous voit, il nous entend, il nous dirige, et il contemple nos moindres actions, nos intentions les plus cachées. Nous croyons bien sûr…, mais nous vivons comme si Dieu n’existait pas ! Parce que nous n’avons pour lui ni une pensée, ni un mot ; parce que nous ne lui obéissons pas, et que nous n’essayons pas de dominer nos passions ; parce que nous ne lui exprimons pas notre amour, et que nous ne lui offrons pas réparation pour nos fautes [16]. Nous pourrions même faire les choses les meilleures en lui tournant le dos, en ne cherchant que le plaisir de faire le bien et d’aider ceux que nous aimons.

Une foi faible fait vivre, en définitive, comme si le Christ était une figure du passé ; comme si la vérité et l’actualité de ses paroles n’étaient plus en quelque sorte liées à sa Personne. « Une telle situation est dramatique pour la foi, car le vrai point d’appui dont tout dépend — l’amitié avec Jésus — demeure incertain. [17] » En revanche, la vie chrétienne est une invitation à se savoir enfant et ami de Dieu dans toute sa radicalité : Je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître [18]. Vivre de foi, ce n’est pas vivre d’une doctrine : c’est tirer des forces de la fréquentation de Dieu ; écouter Jésus, l’imiter, lui demander son aide. Fréquenter le Seigneur avec la simplicité et le naturel avec lesquels André, Pierre, Jean et la Samaritaine l’ont fait ; l’accueillir chez soi, comme Marthe et Marie ou Zachée.

C’est pourquoi nous pouvons mesurer la qualité de notre vie de foi à l’aune de la force et de la constance avec lesquelles nous avons recours aux moyens surnaturels tout au long de la journée. La foi est un don que Dieu seul peut accorder, mais qu’il n’accorde qu’à celui qui le lui demande avec constance [19]. Ne nous contentons pas de notre façon d’implorer du Seigneur les vertus théologales. Conscient que la foi est un don surnaturel que seul Dieu peut infuser et intensifier dans notre âme, saint Josémaria disait un jour : Tous les jours, non pas une fois mais à de nombreuses reprises, je le lui redis […]. Je lui dirai quelque chose que les Apôtres lui demandaient […] : adauge nobis fidem !(Lc 17, 5), augmente en nous la foi. Et j’ajouterai : spem, caritatem; augmente en nous la foi, espérance et la charité [20]. Voilà la bonne méthode pour faire grandir la foi, qui est un don de Dieu. La foi, l’espérance et la charité sont des vertus que nous ne pouvons pas acquérir avec nos forces. Nous pouvons les améliorer à force de répéter certains actes, toujours avec l’aide de Dieu. Et nous avons toujours la possibilité de demander au Seigneur de tous les biens, qu’il nous envoie la foi… et qu’il l’augmente en nous [21].

Si nous cherchons l’amitié de Jésus dans la prière personnelle, si nous recourons aux sacrements de la confession et de l’Eucharistie, si nous fréquentons la Vierge Marie, les anges et les saints, qui sont nos intercesseurs auprès de Dieu, nous contribuerons en collaborateurs efficaces à cette pêche divine à laquelle le Seigneur Jésus veut que nous nous adonnions [22]. Vie de foi : vivre les pieds sur terre et la tête dans le ciel, dans un dialogue constant avec Dieu et ses saints. Ayant pris par la main la Vierge Marie, qui nous a précédés sur le chemin de la foi, nous avons franchi la Porte de la Foi et nous nous disposons, pendant cette année, à avancer avec l’Église tout entière sur le chemin de la croissance dans l’amour et la confiance envers son divin Fils. C’est ainsi que nous apporterons au monde la Vie et la Lumière, la chaleur du très Sacré Cœur de Jésus et que s’accompliront les choses merveilleuses qui nous ont été dites de la part du Seigneur [23].

[1]. Sillon, n° 658.

[2]. Benoît XVI, Motu proprio Porta fidei, 11 octobre 2011, n° 2.

[3]. Cf. Bienheureux Jean Paul II, Audience, 9 décembre 1984.

[4]. Benoît XVI, Audience, 17 octobre 2012.

[5]. Ibid.

[6]. Rm 10, 14-15.

[7]. Benoît XVI, Audience, 17 octobre 2012.

[8]. Jn 7, 37-39.

[9] Cf. de Mgr Echevarria, Lettre, 29 septembre 2012, n° 11.

[10]. Entretiens, n° 123.

[11]. De Mgr Echevarria, Lettre, 29 septembre 2012, n° 35.

[12]. Benoît XVI, Motu proprio Porta fidei, 11 octobre 2011, n° 5, citant le bienheureux Jean Paul II, Litt. apos. Novo millennio ineunte, 6 janvier 2001, n° 57.

[13]. Benoît XVI, Audience, 17 octobre 2012.

[14]. Quand le Christ passe, n° 144.

[15]. De Mgr Echevarria, Lettre, 29 septembre 2012, n° 50.

[16]. Sillon, n° 658.

[17]. Joseph Ratzinger / Benoît XVI, Jésus de Nazareth. Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration, p. 8

[18]. Jn 15, 15-16.

[19]. Cf. Lc 11, 5-11.

[20]. De Mgr Echevarria, Lettre, 29 septembre 2012, n° 12. La citation est de notre Père, notes prises lors d’une réunion de famille, 7 avril 1974.

[21]. De Saint Josémaria, notes prises lors d’une réunion de famille, 12 février 1975.

[22]. De Mgr Echevarria, Lettre, 29 septembre 2012, n° 50.

[23]. Cf. Lc 1, 45.