Devoir d’enquête : « Opus Dei, ange ou démon ? »

Le mercredi 10 février, à 20h20, La Une (RTBF) a diffusé le reportage « Opus Dei, ange ou démon ? ». Il avait déjà été présenté sur la même chaîne le 30-11-06 dans le cadre de l’émission « Dossier noir ». Cette émission de 2006 était elle-même un remake de deux autres reportages de la RTBF, tous les deux diffusés dans le cadre de l’émission « Au nom de la loi » : le premier, diffusé sous le titre « L’Opus Dei, une secte au Vatican ? » (16-4-03) et le second, sous le titre « Au nom de la foi » (7-4-93).

Pour éviter des répétitions fastidieuses, nous reproduisons ici la réaction du bureau d’information de la Prélature de l’Opus Dei en Belgique de 2006, à l’occasion d’une interview à l’agence Cathobel :

cathobel - 1/12/2006 

RTBF: Dossier noir consacré à l'Opus Dei   Réaction du porte-parole Stéphane Seminckx 

Hier soir vers 22h dans son émission «Dossier noir», la RTBF consacrait un dossier à l'Opus Dei. On pouvait reconnaître Stéphane Seminckx, dans des reportages de vieilles émissions, elles aussi consacrées à l’Opus Dei. Il yintervenait en tant que porte­parole, membre de l'Œuvre. Depuis lors Stéphane Seminckx a été ordonné prêtre. Cathobel a voulu connaître ses réactions suite à l'émission de Gérard Rogge. Monsieur l'abbé, quelle est votre impression générale de l'émission?

Décevante. C'est la troisième fois que Gérard Rogge s'en prend à l'Opus Dei. Il l'a déjà fait en 1993 et 2003, dans «Au nom de la Loi». Je dois avouer que je ne comprends pas très bien ce qui peut animer un journaliste à se répéter ainsi. En tous cas, hier soir, nous avons eu droit à du «réchauffé», un «remake» des deux émissions précédentes, qui n'apporte pratiquement rien de nouveau. S'il existait un guide Michelin des programmes de télévision, celui-ci perdrait plus d'une étoile.

Certaines accusations sont graves comme celle dénoncée par la jeune française étudiante dans une école d'hôtellerie et ses parents. Ce sont pour vous des caricatures déplacées?

Comme il n'y a rien de nouveau, je m'abstiendrai de commentaires sur les nombreuses erreurs factuelles et les procès d'intention, que nous avons déjà rectifiés plus d'une fois par le passé. Je me limiterai à quelques considérations générales.

Le cas le plus pénible, qui a été repris de l'émission de 2003, est en effet celui de la jeune fille française, qui prétend avoir été exploitée dans une école hôtelière. Cette personne mérite tout notre respect. Elle dit elle-même avoir souffert d'une dépression. Dans l'Opus Dei, qui compte plus de 85.000 membres à travers le monde, par la force des choses, il y a des malades. Saint Josémaria disait d'eux qu'ils sont le «trésor» de l'Œuvre, des personnes en qui l'Eglise a toujours reconnu de façon particulière le Christ souffrant. A ce titre, elles sont entourées d'une affection toute particulière et du soin de tous. Face à cette réalité, nous avons une émission qui instrumentalise la souffrance et le désarroi d'une personne pour asseoir une thèse préconçue. C'est très triste.

Et le détournement de fonds de l'ONG au profit de l'Opus Dei?

En 2003, notre Bureau d'Information a demandé à cette ONG (qui n'est pas dirigée par la Prélature) ce qu'il en était. A la suite de l'émission, des membres de son conseil d'administration ont rencontré la personne qui parle de ces prétendues irrégularités. Celle-ci n'est en mesure d'apporter ni précision ni preuve à l'appui de ses allégations. Elle avoue qu'à 15 ans de distance des événements, ses souvenirs sont vagues et lacunaires. En outre, aucun procès-verbal du conseil d'administration, présidé à l'époque par cette même personne, ne fait mention de cette affaire. Après une étude approfondie des projets réalisés dans les années 80, aucune trace de ce soi-disant détournement n'a été trouvée dans les archives de l'association. Aujourd'hui, trois ans plus tard, on attend donc toujours un début de preuve de cette prétendue malversation.

Pour ne pas lasser le public, j'invite toute personne qui souhaiterait des précisions ou aurait d'autres questions concrètes sur l'émission à nous les poser directement: brussels@opusdei.org.

L'Opus Dei est souvent stigmatisée comme une société secrète, entourée de mystère, perçue comme manquant d'ouverture, et c'est ce que reproche G. Rogge. Vous n'êtes sûrement pas d'accord?

C'est assez paradoxal. En 1993, lors du premier reportage, notre Bureau d'Information a ouvert «portes et fenêtres» à Gérard Rogge, l'invitant dans nos centres, lui offrant des interviews et du matériel abondant. Au vu de l'émission qui en a résulté, les personnes de l'Opus Dei qui avaient donné leur confiance au journaliste, se sont senties manipulées. On comprend donc que M. Rogge éprouve aujourd'hui des difficultés à amener des gens devant sa caméra, qu'ils soient de l'Opus Dei ou non.

Par ailleurs, cette année, notre Bureau d'Information est intervenu directement dans les médias à 21 reprises (8 interviews à la presse écrite; 10 interventions à la télévision et 3 à la radio); il a diffusé quatre dossiers de presse et une brochure, édités à des milliers d'exemplaires; il a répondu à des centaines de demandes d'information de particuliers et a organisé une quinzaine d'exposés sur l'Opus Dei dans tout le pays, à la demande de diverses instances. Il publie régulièrement des nouvelles sur https://opusdei.org/. Mais tout cela ne semble pas cadrer dans le projet des «dossiers noirs».

Vous critiquez donc la méthodologie de l'émission?

L'émission d'hier soir pose un problème fondamental de méthodologie. Certains journalistes pensent qu'ils sont «objectifs» lorsqu'ils se contentent de laisser deux camps s'exprimer sur une question précise.

Pour ma part, je suis d'avis que l'objectivité résulte d'une recherche sincère et rigoureuse de la vérité. Si, par exemple, sur la question de savoir si la terre tourne autour du soleil ou vice-versa, on réalise un «dossier noir» avec moitié de gens favorables à une thèse et moitié à l'autre, cette émission sera-t-elle pour autant objective?

L'émission d'hier soir n'était pas objective: il y avait un axiome de départ, présent dans le titre même de la série, à savoir que l'Opus Dei constitue un «dossier noir». Tout le reste est en fonction de ce cliché.

Donc pas ou très peu d'objectivité dans la recherche et le sujet traité comme un «cliché»?  

En tout cas, ce que le programme révèle, c'est une incapacité fondamentale -ou le refus?- de capter l'essence d'un phénomène spirituel, d'une réalité d'Eglise qui attire d'innombrables personnes à travers le monde. Tout cela est complètement ignoré.

Il y a pourtant moyen de faire autrement. Récemment, en Grande-Bretagne, une chaîne privée, Channel 4, a réalisé un documentaire sur l'Opus Dei. Le réalisateur n'était pas, comme on dit, de «notre bord», mais il a travaillé avec ouverture d'esprit, dans une recherche sincère et rigoureuse de la vérité sur certains vieux clichés concernant l'Œuvre.

Ces derniers mois également, deux livres d'auteurs étrangers à la Prélature offrent une enquête approfondie et nuancée sur la réalité de l'Opus Dei: il s'agit du livre de John Allen, vaticaniste renommé (Opus Dei. Un regard objectif sur les mythes et les réalités de la puissance la plus mystérieuse de l'Eglise catholique, Editions Stanké, 2006) et celui de Patrice de Plunkett, ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine (L'Opus Dei. Enquête sur le «monstre», Presses de la Renaissance, Paris 2006).

On peut ne pas partager toutes leurs affirmations (c'est mon cas), mais on doit reconnaître un effort sincère pour comprendre la réalité de l'Opus Dei. Les accusations colportées par le programme d'hier soir sont traitées dans ces livres.

Certaines sont tout simplement écartées pour leur manque de crédibilité. C'est le cas, notamment, de la jeune fille française.

Pourquoi Rogge ignore-t-il l'essence du phénomène «Opus Dei»?

Il faut le demander au journaliste. Peut-être pourrait-on mettre cette attitude en rapport avec ce message constant de Benoît XVI (notamment dans son discours à Ratisbonne): il faut se garder tant d'une religion qui exclut la raison jusqu'à plonger dans le fondamentalisme que d'une raison qui exclut la possibilité du religieux, de la foi, du spirituel au point de verser dans un laïcisme intolérant.

Toute vérité n'est pas toujours bonne à dire?

Tout ceci est lié aussi au problème actuel de la perception du mot «vérité», qui est devenu tabou. Pour une certaine culture actuelle, il est incongru de vouloir trouver la vérité. Car, pour elle, c'est impossible. C'est pourquoi on se limite à exposer des opinions, des impressions, des états d'âme, a fortiori quand la discussion porte sur une institution qui se réclame de la vérité.

Qui proclame une vérité, comme l'Eglise, est presque automatiquement taxé d'arrogant, de sectaire, de fondamentaliste et d'intolérant. Ce qu'on ne comprend pas, c'est que la «vérité» dont parle l'Eglise n'est pas une construction de la raison humaine -ce qui serait en effet arrogant- mais une révélation, un don de Dieu aux hommes, qui leur est offert, jamais imposé et que l'homme peut accueillir en toute humilité. Exclure cette possibilité au nom de la raison, voilà l'intolérance.

Mais alors, qu'attend l’Opus Dei des médias?

Je ne demande pas que les médias encensent l'Opus Dei, mais je serais heureux que certains se montrent un peu plus ouverts aux réalités de la foi et un peu plus rigoureux dans leurs analyses. Je constate tous les jours qu'il y a une forte demande d'information sur l'Opus Dei mais je remarque aussi que le public est fatigué des clichés faciles.

Savez-vous que dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis, de nombreuses personnes ont découvert leur vocation à l'Opus Dei à la suite des polémiques autour du Da Vinci Code? Nous avons eu des cas semblables en Belgique. De plus en plus souvent, les gens sont lassés par les diktats d'une certaine façon de (ne pas) penser, les opinions «prêt-à-porter» et les polémiques stériles. De plus en plus, ils analysent l'information à rebours, comme jadis, sous certains régimes dictatoriaux.